les citations
vouloir v. aux.
usuel Suivi d'un verbe à l'inf. "(pour indiquer le futur proche)".
I. Haute-Savoie, Savoie, Franche-Comté. – Il veut mourir cette nuit (R. Bichet, Contes de Mondon et d'autres villages comtois, 1975, 185). Si tu te balances sur cet escabeau, tu veux tomber (RobezMorez 1995).
1. […] J'aperçois un assez grand feu, terriblement de monde autour de ce feu, qui était en train de bien vivre. Je me dis : un militaire comme toi, tu veux passer. (Témoignage du Doubs « raconté vers 1950 », dans J. Garneret, Contes recueillis en Franche-Comté, 1988, 216.)
2. Bande de p'tits « galvaudeux » [= vauriens], j' serais vot' mère vous voudriez recevoir une belle « taugnée »*. (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1989, 135.)
V. encore s.v. cru, ex. 4 ; menée, ex. 1.
— Fréquent à la 3e personne du sing. Ton imbécillité veut finir par te perdre (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1973, 261).
3. – Dis que je suis un imbécile.
– Je dis simplement que tu ne penses qu'à toi. Et c'est vrai. Le souci ne veut pas t'empêcher de dormir. (B. Clavel, Celui qui voulait voir la mer, 1988 [1963], 8.)
4. Viens avec nous Titine, on veut bien s'amuser ! (P. Jeune, « La Félicie cause au Milo », Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n.s., n° 19, octobre 1992, 241.)
V. encore s.v. rechanger, ex. 5.
— En constr. impers. Si ça continue, ça veut aller mal (GuichSavoy 1986). Oh ! faut pas t'en faire[,] Simone, ça veut passer ! (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 171).
5. – […] C'est simplement la peau qu'est entamée. J'ai rasé les cheveux autour, j'ai désinfecté comme il faut avec de la goutte et comme j'ai bien serré la bande, ça veut bien se refermer tout seul sans que le docteur soit obligé de recoudre. (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1989, 304.)
● Fréquent à propos du temps atmosphérique.
6. Quand moi, Fourchon, qui n'ai pas la prétention d'y connaître grand-chose, je dis « demain il veut pleuvoir », ben il y a des fois où ça arrive… (R. Vuillemin, Les Chroniques du « Chat bleu », 1975, 32.)
7. – […] il veut faire beau, prétendit Marcel. Je serais prêt à parier qu'on aura le soleil avec nous […]. (R. Vuillemin, Les Chroniques du « Chat bleu », 1975, 84.)
8. Tiens, y'a l' coq de clocher qui tourne le dos. Y veut pleuvoir ! (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 191.)
9. – On va vous faire perdre votre temps, dit François Latour, avez-vous une minute ?
– Mais bien sûr, répondit Guilhem [qui rentre du foin], il ne veut pas pleuvoir, il y a plus de temps que de vie. (Panazô, L'Honneur de la Janille, 1991, 139.)
10. Il est propre, astiqué de frais, à la main son parapluie [un négociant corrézien en campagne dans le Nord]. Non, il ne veut pas pleuvoir, contrairement à ce qu'on dit, le soleil brille aussi dans le Nord ! Elle ne peut pas comprendre ! Le parapluie cela sert à se donner une contenance […]. (R. Limouzin, Les Moissons de l'hiver, 1995, 116.)
V. encore s.v. bise, ex. 15.
II. Centre-Ouest, Saône-et-Loire, Champagne (spor.), Franche-Comté, Alsace, Rhône, Ain, Loire, Isère, Ardèche, Haute-Loire (Velay), Limousin, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde [Surtout dans des emplois stéréotypés ou dans des contextes négatifs]. – C'est pas la mère qui veut manger le cochon toute seule ! (L. Pralus, Mon village sous l'hiver, 1978, 7). Ils veulent pas venir maintenant, c'est pas la peine de les attendre pour manger (MazaMariac 1992). Il veut pas venir à cette heure (VurpasMichelBeauj 1992).
11. – […] mon mari dort dans la chambre à côté, mais vous pouvez parler, ça ne veut pas le réveiller ; il s'est couché tôt ; il part demain matin de bonne heure pour la foire à Condat. (Panazô, Le Traînard, 1994, 12.)
V. encore s.v. fâcher, ex. 15.
— Fréquent à propos du temps atmosphérique. On dirait que ça veut mouiller* (RézeauOuest 1984).
12. Le temps s'est gâté, mais il ne veut pas pleuvoir. (Panazô, Le Traînard, 1994, 107.)
V. encore s.v. lancer, ex. 1.
□ En contexte métalinguistique.
13. Si le ciel est pur et le vent d'est, il ne veut pas pleuvoir. […] Si ce champ est étendu, le laboureur ne veut pas y achever son travail d'ici ce soir. (LouradourCreusois 1968, 130.)

◆◆ commentaire. Le trait ici retenu est attesté dep. le début du 16e s. (ca 1515 à Rouen « Je me vouloye laisser mourir [= j'ai cru que j'allais mourir] », ibid., n° 40, v. 252 ; 1539 « La table uouloit choir : mais ie lay retenue, Ie lay arrestee » M. Cordier, Maturini Corderii de corrupti sermonis emendatione, éd. 1539, 542, comm. de P. Enckell). Il intéresse aujourd'hui une première aire comprenant la Franche-Comté, la Savoie et la Suisse romande (dep. 1653 en Suisse romande, v. Pierreh dans DSR) : sa fréquence y est particulièrement élevée, surtout à l'oral et dans les contextes les plus variésa. Dans une seconde aire très vaste, incluant la Belgique, la Champagne, l'Alsace, la Franche-Comté, le domaine francoprovençal, l'Aquitaine et le Centre-Ouest, le fait est quasiment limité à des emplois stéréotypés (comme les classiques on dirait qu'il veut faire beau/qu'il veut pleuvoir) et/ou à des contextes négatifs (notamment dans la région lyonnaise). Quelques emplois de vouloir exprimant le futur immédiat ont été relevés en afr., mfr. et frm. (FEW ; GrevisseGoosse 1993, § 791 p 1°), mais ne sauraient autoriser de voir un archaïsme dans l'usage de la zone I, pour laquelle A. Thibault exclut par ailleurs, à juste titre, l'influence de l'allemand (DSR 1997). Il s'agit, dans les deux cas, de tendances régionales, particulièrement vivaces dans une aire compacte (I), beaucoup plus limitées dans une vaste aire assez lâche (II). Les dictionnaires généraux contemporains rendent mal compte de ces faits, ne faisant pas ressortir la forte vitalité de l'usage comtois et savoyard (que note GrevisseGoosse 1993, loc. cit.) : GLLF « vieilli ou régional » (ex. de Duhamel, mal classé) ; Rob 1985 « régional » (citant A. Paré il veut pleuvoir, d'après Littré) ; TLF « vieilli ou région. », sans ex. du 20e siècle ; NPR 1993-2000 « régional » ; Ø Lar 2000.
a « Si cet emploi de vouloir a disparu de la langue commune, il est abondamment représenté dans les parlers de l'Est et tend même à reprendre pied dans la langue populaire parisienne » (GougPériphrases, 89).
◇◇ bibliographie. 1800 LequinioJura 2, 448 ; MichelLorr 1807 (en contexte interrogatif) ; SajusLescar 1821, 41 ; PuitspeluLyon 1894 il ne veut pas pleuvoir ; ConstDésSav 1902 ; CarrezHJura 1906 ; VerrOnillAnjou 1908 ; CollinetPontarlier 1925 ; BauchePop 1928 le train veut partir ; BoillotGrCombe 1929 « pour dénoter une action plus lointaine que celle exprimée par aller » ; GougPériphrases, 88-92 ; ParizotJarez [1930-40] ; PohlBelg 1950 ; LouradourCreusois 1968, 130 ; DelortStClaude [ca 1977] ; BichetRougemont 1979 ; WolfFischerAlsace 1983 ; GononPoncins 1984 « très courant » ; MeunierForez 1984 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; DuraffHJura 1986 « très usuel » ; GuichSavoy 1986 ; SallesLBéarn 1986 ; MartinPilat 1989 (en contexte négatif) « usuel » ; RouffiangeAymé 1989 ; BoisgontierAquit 1991 « tournure fréquente dans le français parlé du Sud-Ouest, systématique en dialecte dans la région pyrénéenne » ; DondaineMadProust 1991, 76 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; ColinParlComt 1992 ; MazaMariac 1992 (en contexte négatif) ; VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 ; DuchetSFrComt 1993 ; FréchetMartVelay 1993 (en contexte négatif) « bien connu » ; GrevisseGoosse 1993, § 791 p ; TamineChampagne 1993 « parfois » ; VurpasLyonnais 1993 « connu » ; Hanse 1994 ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 ; DSR 1997 (avec bibliographie) ; ValMontceau 1997 « très vivant, très fréquent » ; FréchetMartAin 1998 (en contexte négatif) « globalement connu » ; MichelRoanne 1998 (en contexte négatif) « usuel » ; LesigneBassignyVôge 1999 ; FEW 14, 218b, velle et n. 25, 26.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I et II confondus) Ardèche, Doubs, Gard, Loire, Haute-Loire (Velay), Lozère, Haute-Saône, 100 % ; Aude, Hérault, Pyrénées-Orientales, 90 % ; Aube, Rhône, 80 % ; Vendée, 75 % ; Drôme, Isère, Territoire-de-Belfort, 65 % ; Charente, Savoie et Haute Savoie, Deux-Sèvres, 50 % ; Vienne, 40 % ; Ain, Jura, 30 % ; Charente-Maritime, 25 %.