les citations
doué (ma – !) loc. interj.
Basse Bretagne fam. "(pour manifester diverses émotions telles que la surprise, l’embarras, l’admiration, la tristesse, l’accablement)". Stand. mon Dieu !
1. Les voilà à son côté qui lèvent les yeux en l’air pour le [le capitaine] voir tout entier. Ma Doué ! jamais on n’en vit un si beau. (A. de Tourville, Les Gens de par ici, 1981 [1952], 18.)
2. Elle est descendue dans le bief : Yann n’avait pas eu de mal, il était seulement trempé comme une soupe.
Ma Doué ! Comment va-t-on faire ? lui dit sa femme. Tu ne peux pas continuer comme ça. (G. Massignon, Récits et Contes populaires de Bretagne, 1981 [1953/1954], 82.)
3. – Oh ! je suis-t-y beau, ma Doué ! s’exclame Yann en regardant ses nouveaux habits. Ah ! j’ai bien envie de les garder. (G. Massignon, Récits et Contes populaires de Bretagne, 1981 [1953/1954], 83.)
4. Le recteur* était rentré à la cure passablement crotté, à la grande indignation de la carabassen* :
– […] Ma Doué ! si c’est pas malheureux ! Etre rendu* à votre âge et pas plus raisonnable ! (R . Madec, L’Abbé Garrec et le rouge à lèvres, 1956, 89.)
5. – Mais il apprend tout ce qu’il veut ! Il peut devenir très savant ! On prétend qu’on n’a jamais vu un enfant si doué !
Ma Doué ! Qu’est-ce qu’il peut bien apprendre avec son esprit tout de travers et le peu de goût qu’il a pour le travail honnête ?… (Ch. Le Quintrec, Chanticoq, 1989 [1986], 94.)
6. Le matelot hocha la tête […].
– Quand on a vu la cabine [du chalutier], tout était saccagé là-dedans, le radar, le sondeur, le decca ! Ma doué ! (J. Failler, Marée Blanche, 1996 [1994], 149.)
7. – Il y en avait un qui était KO, Petit Pierrot l’a laissé par terre et il s’est mis à foutre des baffes à l’autre, ma doué, j’ai cru qu’il allait lui arracher la tête. (J. Failler, Marée Blanche, 1996 [1994], 170.)
8. « Atout et ratatout », le Maître le battit à plate couture. Ma doue ! Et malgré ça, il se mit dans une colère rouge ! (A. Jacq, Légendes de Bretagne, 1996, 97.)
9. – Tu as été le plus fort, répondit le crapaud, mais cela va te coûter très cher car tu devras me donner une de tes filles en mariage, sinon tu mourras !
Ma doue, s’exclama notre homme en levant les bras au ciel. Aucune d’elles ne voudra d’un crapaud pour mari ! (A. Jacq, Légendes de Bretagne, 1996, 182-183.)
10. Attention, me dit un postier, administrativement, nous avons affaire à deux Finistère ! Deux Finistère ? Ma Doué ! Et pourquoi pas quarante ? (J.-Cl. Bourlès, Une Bretagne intérieure, 1998, 147.)
V. encore s.v. venir, ex. 1.
— Redoublé.
11. Deux hommes s’empressèrent auprès de tante Jeanne qui haletait. Les cabas volèrent à bord [du bateau], puis la grosse fut à moitié soulevée et déposée sur une banquette. […] Dans la cabine, la grosse femme s’épongeait le visage en s’exclamant dans un souffle :
Ma Doué ! Ma Doué ! (J. Failler, Marée Blanche, 1996 [1994], 64.)
12. – Dis donc, Loulou, il paraît que tu avais rendez-vous avec monsieur le recteur* à cinq heures ?
– Ben ouais, dit l’autre. Mais… quelle heure est-il donc ?
– Sept heures, mon vieux. Tu n’as que deux heures de retard !
Ma doué ! Ma doué ! s’exclama le nommé Lannurien en remettant sa casquette d’aplomb, je vais me faire engueuler. (J. Failler, On a volé la Belle Étoile !, 1996, 23.)
13. – Oui, terrible que c’est !
Elle s’éloigna en claudiquant et en marmonnant :
– Ah ma Doué, ma Doué ! (J. Failler, Mort d’une rombière, 1997, 174.)
V. encore s.v. celui-ci, ex. 11.
— Forme renforcée ma doué béniguet !
14.Ma Doué Béniguet ! chevrota la vieille[,] anéantie. Ce fî-de-garce [v. fils] va m’empoisonner tout mon dimanche… (P. Gerrard, La Dame de fric, 1997 [1949], 98.)
15. – […] c’est quand j’ai vu la voiture du docteur que j’ai pensé… Oh ! Tout ce temps, André était là, à côté, mort. Ma doué benniguet [sic] ! (C. Le Quemen, Comme un parfum de pommes, 1998, 72.)
□ En emploi autonymique.
16. Observez l’immortelle Bécassine : elle ne prononce guère que trois mots de breton, Ma doue beniguet ; mais ces trois mots suffisent à composer son personnage, la Bretonne risible mais bien-pensante, solide comme un menhir. Tous les attributs de l’indigène apprivoisé, Bécassine les cumule […]. L’extérieur est pour elle l’enfer, les trains, les bateaux, la grande ville, ma doue beniguet, l’épouvantent […]. (M. Lebesque, Comment peut-on être Breton ?, 1970, 112-113.)
● Comme surnom délocutif.
17. Miracle à rebours, le Breton ne grandissait pas. Il avait beau, apparemment, avoir une taille normale, il restait le petit Breton avec son petit costume, son petit biniou, ses petits rubans, il appartenait à jamais à la race pittoresque et récréative qu’incarnait sous une autre peau cette autre rondeur, le Bon Nègre Banania. Bamboula Y a bon et Bécassine Ma doue beniguet, les deux lunes alternées de mon enfance, la noire, la blanche […]. (M. Lebesque, Comment peut-on être Breton ?, 1970, 37.)

graphie. La graphie bretonne doue (ex. 8-9, 16-17) est moins fréquente que la graphie française doué (ou Doué).
◆◆ commentaire. Des deux variantes bretonnes ma Doue et va Doue (1892 « Ah ! Va Doué ! » Ch. Le Goffic, Le Crucifié de Kéraliès, dans Gens de Bretagne, Paris, vol. 2, 1998, 59), seule la première est attestée de nos jours en français à l’écrit, stéréotype du français des bretonnants ou pour donner la couleur locale à des récits situés en Bretagne, depuis au moins la fin du 19e s. : « […] bredouillant à mi-voix, sur le ton de la prière : – Ma Doué ! qu’elle est donc belle… belle à faire peur, Jésus-Maria-credo » (1897, A. Le Braz, Magies de la Bretagne, éd. Lacassin, Paris, vol. 1, 1994, p. 561) ; « Puis, avec un cri joyeux : – Hé, ma Doué [en note : Mon Dieu !], Guillaume, mais c’est ta sœur Margod ! » (ibid., p. 573) ; « ma Doué ! » (1898, G. Toudouze, Le Bateau des sorcières, dans Gens de Bretagne, Paris, vol. 2, 1998, 425) ; « Ah ! ma Doue Beniguet » (J.-M. Déguignet [1834-1905], Mémoires d’un paysan bas-breton, éd. B. Rouz, 1998, 239). Cette locution, littéral. "mon Dieu (bénit)", est absente de la lexicographie générale.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, 100 % ; Morbihan 50 % ; Côtes-d’Armor, 30 %.