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                grève n. f. 
                     
                     1. 〈Bretagne〉 usuel "rivage de la mer (stand. plage), en part. espace découvert par la mer à marée basse, où l’on peut pratiquer la pêche à pied
                              (synon. estran)". Les galets secs d’une grève (H. Queffélec, Un recteur de l’île de Sein, 1944, 182). Ramasser des palourdes à la grève à marée basse (J. Failler, Mort d’une rombière, 1997, 22). Aller à la grève.
                           
                            
                        
                        1. Elle s’autorisa une première promenade très courte sur la grève. Puis, quelques jours après, elle fit le tour de la Malouine. (R. Pichery, Le Parisien, 1946, 253.)
                            
                           
                           2. « Les voilà qui montent leurs bannières ! » Sur la grève, les groupes se sont ordonnés en files. Devant la première, qui est assez près, marchent
                              trois hommes, tête nue et pieds nus, le pantalon retroussé jusqu’au dessous des genoux.
                              Celui du milieu dresse haut dans le ciel la grande bannière processionnelle de sa
                              paroisse. Elle a été amenée de l’église jusqu’à la grève, roulée sous le bras de quelqu’un, et remontée tout à l’heure sur son fût. (P.-J. Hélias,
                              Le Cheval d’orgueil, 1975, 179.)
                            
                           
                           3. Ce jour-là, j’ai tout envoyé promener : Sarcelles, les ambitions littéraires, journalistiques,
                              les petits fours du Seuil, les intrigues professionnelles, le bus, le métro, la rame
                              de la gare du Nord. J’avais faim. J’avais faim des arbres, des feuilles, des grèves. Je voulais entendre rouler le parler breton dans ma tête, entendre racler rugueusement
                              les tables des tavernes et rencontrer le temps des horloges. (X. Grall, Le Cheval couché, 1977, 15.)
                            
                           
                           4. Bien que la soirée eût duré fort tard je m’étais réveillé de très bonne heure, et
                              jamais depuis, je n’ai oublié ces moments-là – les petites lumières des pêcheurs de
                              coques s’en allant très loin à travers la grève quand la mer se fut retirée, vers dix ou onze heures du soir, s’endormir au bruit
                              des flots, se réveiller de même. (L. Guilloux, L’Herbe d’oubli, 1984 [av. 1980], 187.)
                            
                           
                           5. Il y a déjà quelque temps, j’étais à la grève du Ster, là où accostent les ligneurs et les caseyeurs [= bateaux qui pêchent les
                              crustacés avec des casiers]. (L. Jégou, Le Bénitier du diable, 1982, 13.)
                            
                           
                           6. – Elle ne vous a pas dit pour quelle raison elle était sur la grève. Pêchait-elle des coques ? du lançon ?
                               
                           
                           – Mon bon Monsieur, comment aurait-elle pêché ? la mer n’était pas retirée. Mais pour être franche, je vous dirai que son gendre, Edouard Pincecrabe, allait souvent à la grève du Guen quand il y avait eu des scènes à la maison. (L. Petiot, La Bretagne rit, 1982, 100.) 7. Désolé, je fis quelques pas sur la grève, chassant les goélands devant moi. Avec des cailloux plats je m’efforçai de faire
                              des ricochets sur l’eau […]. (J. Failler, L’Ombre du Vétéran, 1994 [1992], 274.)
                            
                           
                           8. Mary descendit en réfléchissant. Le long de la promenade du Sillon [à Saint-Malo].
                              Qu’est-ce qu’il y avait au long de la promenade du Sillon ? Que s’était-il passé sur
                              cette grève en Mars, en Avril, en Juin ? […] Le flot était bas, des vaguelettes venaient mourir
                              sur le sable vierge de traces de pas. Par ce temps et en cette saison, la grève n’était guère fréquentée. (J. Failler, La Cité des dogues, 1996, 155-156.)
                            
                           
                           9. – Il est onze heures. Je vous emmène, si vous voulez, nous visitons la maison, et
                              ensuite je vous invite à déjeuner. Un plateau de fruits de mer face à la grève, ça ne vous dit rien ? (J. Failler, Mort d’une rombière, 1997, 111-112.)
                            
                           
                           10. Allongez-vous sur une grève, n’importe laquelle, à n’importe quelle heure du jour, pourvu que la mer ne soit pas
                              étale. Fixez le paysage. Fermez les yeux. Rouvrez les yeux. Fixez le paysage. Il est
                              autre. (H. Hamon, Besoin de mer, 1999 [1997], 93.)
                            
                           
                           11. L’ « accro Armorique » sait de quoi il retourne. Il aime les grèves désertes, l’Océan qui hurle et se retire si loin à marée basse que l’estran se noie
                              dans la brume. (Florence Evin, dans Le Monde, 6 août 1999, 19.)
                            
                           
                           12. Je regarde l’Île-Grande en faisant le tour des grèves. (Y. Le Men, 22 avril 1998, France-Culture, « Nuits magnétiques », rediffusé le 17 août 1999.)
                            
                           
                           13. […] de puissantes odeurs de varech montaient de la grève, couvrant les remugles des conserveries de sardines. (C. Vlérick, Le Brodeur de Pont-l’Abbé, 2000 [1999], 289.)
                            
                           
                           
                           
                           — En concurrence ou en alternance avec plage.
                              
                               
                           
                        14. Seuls les gamins, dont j’étais, faisaient les trois ou quatre kilomètres nécessaires
                                 pour aller clapoter ou nager sur une des grandes plages de sable ou au creux d’une
                                 crique de galets. Les familles, trois ou quatre fois l’an, allaient « à la mer », ou « à la grève ». On ne disait pas la plage : le mot évoquait la villégiature, donc le hors-venu*, et il n’y avait de villas et de vraie vie de plage qu’à la station de Saint-Quay-Portrieux,
                                 deux lieues plus au sud, point encore bousculée par les foules, mais déjà spécialisée.
                                 Mond da n’aot, en breton, signifiait, aussi bien pour les Plouhatins que pour les paysans de l’intérieur*, une expédition lourde et exceptionnelle jusqu’au rivage plus ou moins proche, prévue
                                 pour toute la journée, avec accompagnement de solides victuailles. On apportait aussi
                                 sa boisson, qui n’était pas rien. (M. Le Lannou, Un Bleu de Bretagne, 1979, 146-147.)
                               
                              
                              15. La grève était tout près. Le vent de décembre charriait de gros nuages noirs et blancs et
                                 des vols d’étourneaux s’abattaient sur les tas de goémon. La dune abrupte à cet endroit
                                 au-dessus de la plage se prêtait à des galipettes et des dégringolades qui firent
                                 notre joie […]. (L. Jégou, Le Bénitier du diable, 1982, 52-53.)
                               
                              
                           2. 〈Maine-et-Loire〉 "banc de sable dans le lit de la Loire".
                           
                            
                        
                     16. Il avait si bien appris à connaître toutes les grèves de Loire, toutes les fantaisies du fleuve qu’il était devenu le passeur. (L. de La
                              Bouillerie, Le Passeur, 1991, 26.)
                            
                           
                        ■ en composition. 〈Maine-et-Loire〉 cul-de-grève n. m. "extrémité aval d’un banc de sable, abrupte et friable". « Mais, comme tous les passeurs, il n’a pas commencé par écoper la Loire. Il a pris
                           les crues comme elles étaient, les courants et les culs-de-grèves comme ils étaient, la débâcle du printemps comme elle était. Il a pris, en passeur,
                           tous les risques des hommes » (L. de La Bouillerie, Le Passeur, 1991, 132).
                         
                        
                        ◆◆ commentaire. Bien que les dictionnaires généraux (GLLF, Rob 1985, TLF et NPR 1993-2000) le donnent
                           sans marque, grève "terrain plat formé de sables, graviers (situé parfois au bord d’une eau)" – attesté dep. l’afr. (ca 1139, DEAF) –, est aujourd’hui un terme littéraire en français de France (cf. « le beau mot de “grève” » S. de Beauvoir, dans Rob 1985). Mais, en Basse Bretagne, il concurrence fortement
                           estran (terme de dictionnaire, pour lequel le français standard n’offre pas de synonyme
                           usuel), et même, mais plus faiblement, plage (cf. EsnaultMétaph 1925, 179 « […] un Brestois dit : “L’Hôtel de la Plage, où il est ? Sur la grève, forcément !”. Plage est parisien ») ; il a aussi été recueilli en Acadie par MassignonAcad 1962, § 23 "plage" ; cf. MussetAunSaint 1932, qui enregistre le mot dans de nombreux lieux-dits.
                         
                        
                        
                        
                        △△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, 95 % ; Côtes-d’Armor, 65 % ; Morbihan, 50 %.
                         
                        
                        
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